Morgane L, chargée de communication, témoin d’un naufrage d’au moins 130 personnes survenu le 22 avril 2021 en Méditerranée centrale
Une épave, plus de pont, plus de moteur, plus rien, juste un flotteur gris ; s’il reste des personnes à sauver, elles sont dans l’eau. D’avoir ça sous mes yeux, ça m’a percutée, c’est encore vif dans mon corps et dans mon esprit !
On a secouru 236 personnes en tout. Arrivées à bord, certaines personnes s’écroulent, d’autres prient en larmes, certaines tombent, leurs jambes les lâchent.
L’après choc c’est venu une fois qu’on a débarqué. A bord, j’ai appris à mettre mes émotions de côté. J’ai appris à être une machine efficace. Après il y a la décompensation, ça revient, tu as des flashs… les restes d’embarcation qui flottent, des embarcations désespérément vides.
Je veux rendre leur voix aux personnes invisibilisées.
Le choc c’est ce qui permet d’agir. Il faut rendre le choc plus proche pour pousser à agir. En rendant le drame plus proche on est plus à même d’agir, pas par des chiffres que l’on brandit et qui n’ont plus de sens, mais avec de l’humanité. La main tendue, qui sauve.
Qu’est-ce qui me pousse à être exposée à ces chocs ?
Les états européens ont démissionné. Nous, les navires civils de sauvetage, nous sommes les derniers remparts de l’humanité.
Qui d’autre sinon nous ?